À 32 ans, Mathilde Bourion entame la reprise du groupe Eurodime, fondé par son père en 2000, avec une ambition bien affirmée : faire du groupe le n°1 du service aux industries dans le Grand Est. Ingénieure, sportive, voyageuse, dirigeante : rencontre avec une repreneuse qui refuse de rentrer dans les cases.

Lorsqu’elle évoque sa reprise du groupe Eurodime, Mathilde Bourion ne cite pas de grands modèles entrepreneuriaux. Elle parle de sa mère, de ses professeurs, de ses rencontres. De celles et ceux qui l’ont inspirée, sans jamais l’enfermer.

« Je ne suis pas juste “Mathilde Bourion, cheffe d’entreprise” », affirme-t-elle avec conviction. « Je ne suis pas que la fille de mes parents. Je ne suis pas que triathlète ou ingénieure. Je suis une voyageuse, une passionnée. Je refuse les étiquettes. J’ai besoin de pouvoir explorer plusieurs facettes de ma personnalité. »

Ce refus de se laisser enfermer dans des cases et sa volonté de s’affranchir des normes établies, sont autant de manifestations d’un engagement fort et déterminé. Depuis ses 29 ans, elle est cogérante du groupe Eurodime. Et depuis peu, elle prépare une nouvelle étape : la reprise complète du groupe familial, qui compte aujourd’hui 12 sociétés dans la maintenance, la construction métallique, l’usinage outillage et l’énergie, réparties entre les Vosges, l’Alsace et la Franche-Comté.

Une reprise longuement mûrie

Le projet professionnel de Mathilde Bourion ne date pas d’hier. « Déjà au collège, je disais que je voulais travailler avec mon père. Il me reposait régulièrement la question, pour être sûr de ma motivation. Et oui, c’est une idée que j’ai construite avec le temps, malgré les doutes qui vont de pair avec un tel choix. »

Alors, dans le doute, Mathilde prend son temps. Après un bac S, elle choisit un DUT pour « s’ancrer dans du concret », puis intègre Arts et Métiers, une école d’ingénieur généraliste. Elle multiplie ensuite les expériences, dans des start-up, des grands groupes, en France et à l’international. Équipière en fast food aussi, ou conseillère Tupperware un temps « pour payer les factures ». Car elle en est convaincue : il n’y a pas de petit boulot.

Cette diversité d’expériences nourrit au moins une certitude : reprendre une entreprise, ça ne s’improvise pas. Et surtout, elle ne s’hérite pas simplement ; elle se construit. « Avant de savoir ce qu’on veut, c’est bien de savoir ce qu’on ne veut pas faire. Le doute, c’est un bon moteur. »

Transmission, entre raison et émotion

Comme souvent dans les entreprises familiales, la reprise est aussi une affaire de lien. « Reprendre en famille, ce n’est jamais aussi linéaire qu’une reprise “classique”. On ne parle pas seulement d’un transfert de parts sociales. C’est une histoire où l’affect et le rationnel se mélangent. Il y a beaucoup d’émotion, de non-dits parfois. Avec mon père, on a une vraie complicité. Mais c’est une relation qu’il faut aussi protéger. Ça demande du recul. »

C’est la Covid qui accélère le processus. Le groupe est solide, les contours de la transmission s’affinent, les responsabilités se redistribuent. Elle s’appuie sur la vision transmise par son père, mais trace aussi sa propre voie. « C’est une construction commune. Il m’a transmis une vision. Et moi, j’apporte la mienne, au fur et à mesure. »

© Y. Keller

Une femme dans l’industrie, et alors ?

Lorsqu’elle devient cogérante à 29 ans, les regards changent. On lui renvoie son âge, son genre, son rôle de “fille de”. Elle sourit. « Il faut accepter que chacun projette quelque chose sur vous. Le tout, c’est de savoir si ça vous permet d’avancer. L’expérience n’attend pas le nombre des années, ni le genre. »

En tant que femme dans un milieu encore masculin, comment compose-t-elle son style de management, entre écoute, compétence et stratégie ? « Il n’y a pas de recette unique. Mais selon moi, c’est toujours une addition des trois. Un peu de stratégie, un peu d’écoute, un peu de compétence. Chaque situation détermine l’équilibre. Ce qui compte, c’est la cohérence. Et le respect. » 

Une entreprise, un projet de vie

Reprendre une entreprise familiale, ce n’est pas seulement succéder. C’est donner un cap, impulser l’avenir. Et la sienne est claire : faire d’Eurodime le leader du service aux industries dans le Grand Est. Mais pas à n’importe quel prix. « Aujourd’hui, je veux que celles et ceux qui travaillent chez nous vivent une vraie expérience, pas juste un “job”. C’est aussi l’idée derrière le “Eurodime Sporting Social Club” qu’on développe : que chacun trouve du lien, du sens, de la cohérence. Ce sera ma façon de transmettre à mon tour. Ici, on bosse, on s’engage, mais on vit aussi quelque chose ensemble. »

Quid des tensions intergénérationnelles qu’elle-même prédisait dans son mémoire pour HEC Liège ? Aujourd’hui, elle relativise : « Je pense que le conflit générationnel n’est pas une fatalité. Ce n’est un sujet que lorsque les gens ne sont pas prêts à faire un pas vers l’autre. » À ceux qui la pensaient « trop jeune », « trop fille de », « trop… tout court », Mathilde Bourion répond par l’action et trace sa route, à sa manière.

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