Instauré afin d’alléger le coût fiscal de la transmission d’entreprise dans le cadre familial, la « loi Dutreil » a fêté ses 20 ans en 2023. Faisons le bilan à travers ce « Vu pour vous » dédié.

Commençons par un rappel des faits qui sera sans doute bien utile 😉

Le « pacte Dutreil » est un dispositif instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique (dite « loi Dutreil », du nom de son instigateur Renaud Dutreil, alors secrétaire d’État aux PME). Son objectif ? Alléger le coût fiscal de la transmission des entreprises dans un cadre familial, suite à un décès ou à une donation. Ce dispositif ouvre droit à une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75 %. Seulement 25 % de la valeur des titres sont taxés en cas de transmission par donation ou succession. Le « pacte Dutreil » a ensuite connu un réaménagement avec la Loi de finances 2019.

Lors d’un précédent Vu pour vous, nous rapportions que la mission de suivi sur la transmission d’entreprise du Sénat indiquait qu’« en France (…) on compte 14 % de transmissions familiales contre 50 % en Allemagne et 70 % en Italie ». Dans les dix prochaines années, c’est une ETI (Entreprise de taille intermédiaire) sur deux, détenue majoritairement ou partiellement par des capitaux familiaux, qui sera amenée à changer de dirigeant-e.

Avec 54000 ETI en France, il est donc plus qu’indispensable d’assurer une transmission pérenne.

Une aventure humaine à anticiper

Les enjeux étant de taille, comment assurer une transmission familiale réussie ? Une cession d’entreprise restant une transmission, il est essentiel d’anticiper. Attention, on parle ici d’une préparation longue en amont, conformément à la vision de long terme de ce type d’entreprise. Selon une étude de KPMG x METI sur la transmission des ETI familiales en France, ce processus prend en moyenne 6 à 10 ans. Et si c’est encore plus long qu’une transmission hors liens familiaux, c’est parce qu’il est avant tout question de la dimension humaine. L’acculturation de la nouvelle génération aux réalités de l’entreprise prend du temps. 50 % des dirigeants interrogés affirment qu’ils se destinaient à reprendre l’entreprise familiale. Parmi eux, 70 % ont d’ailleurs choisi leur formation dans ce but.

Parfois, reprendre l’entreprise de ses parents ne fait tout simplement pas partie des projets*. Mais l’aventure humaine que représente ce choix peut tout changer. Comme pour Fanny Bessec, qui ne s’imaginait pas diriger l’entreprise fondée par son ancêtre en 1862.

Pourtant, après un parcours professionnel riche d’expériences au sein de l’entreprise familiale et d’autres entreprises, elle entame la passation en 2017. Une passation qui prendra près de 5 ans : « [Mon père] était très anxieux quant à cette transmission. Ma priorité était donc de prendre ma place dans l’opérationnel et de l’occuper au mieux possible, à la fois pour apprendre et le rassurer ».

Une transition nécessaire à la passation : dans 60 % des cas, une période d’accompagnement entre donateur et repreneur est mise en place. Un outil indispensable pour éviter au maximum les frictions qui peuvent apparaître compte-tenu du lien familial existant : « entre parents et enfants, le lien affectif dépasse le contexte professionnel, précise Fanny. Il faut réussir à passer du rapport père-fille à transmettant-repreneur ».

Voilà qui tombe à pic : l’anticipation est l’une des conditions principales pour que le Pacte Dutreil puisse être utilisé à bon escient.

S’adapter, se renouveler, évoluer

L’anticipation est la clé, mais savoir se retirer au bon moment fait aussi partie du succès d’une transmission familiale. Les dirigeants doivent permettre à leur successeur d’asseoir leur légitimité pour réussir. Et tout cela doit se faire en douceur, afin de trouver l’équilibre entre ce qui a fait le succès de l’entreprise avant, et ce qui va le faire perdurer après. La recette fonctionne et les exemples d’entrepreneurs « nouvelle génération » à la tête d’entreprises familiales ne manquent pas.

En Moselle, c’est ainsi que perdure la société Semin. En novembre 2017, Caroline Semin est nommée Directrice générale. Elle devient la sixième génération à la tête du groupe familial. Pour autant, son père reste PDG. Il lui enseigne tous les secrets du métier et ils collaborent quotidiennement : « Nous nous complétons parfaitement. Mon père est davantage axé sur la finance et moi sur le développement commercial et le marketing. Nous sommes d’accord dans 95 % des cas ».

Une symbiose importante pour conserver l’ADN d’un groupe qu’il a fait croître depuis les années 1980, tout en cherchant à s’améliorer face aux défis de la transition énergétique. Car rendre les produits écoresponsables est l’un des chantiers de Caroline : « Je m’appuie sur des bases solides, une philosophie qui fait ses preuves. Ce qui suppose de mettre l’accent sur la recherche et l’innovation et de se remettre en question de façon permanente ».

S’adapter, se renouveler, évoluer : une obligation pour que les descendants puissent apporter leur vision dans la société. Mais aussi pour maintenir l’activité, sauvegarder les emplois existants et, le Graal de tout repreneur : faire grandir leur entreprise.


Une loi qui doit gagner en clarté

C’est pour donner une chance à ces ETI familiales d’être transmises dans les meilleures conditions que le Pacte Dutreil a vu le jour en 2003. Bilan, 20 ans après ? Un contrat à moitié rempli.

Lorsque l’outil est utilisé, des difficultés existent lors de sa mise en œuvre. Les dirigeants interrogés pour l’étude de KPMG x METI sur la transmission des ETI familiales en France, perçoivent ses prérequis comme compliqués et contraignants :

  • flou juridique,
  • règles de détention des titres,
  • corpus législatif complexe…

Cette complexité organisationnelle et administrative n’est pas la seule limite soulevée. Même s’il rend éligible à un abattement fiscal, le coût de la transmission reste élevé pour la majorité des dirigeants interrogés.

Depuis 20 ans, et davantage encore aujourd’hui, le dispositif perdure malgré l’instabilité des contextes politiques et économiques. La France dispose d’un outil pertinent, complété de mesures fiscales qui permettent de l’améliorer et de le simplifier. Il faut continuer à le promouvoir, à le rendre plus accessible, pour faire face aux défis qui attendent des milliers de transmissions familiales françaises dans les dix prochaines années.

En attendant que le Pacte Dutreil gagne en clarté, vous savez ce qu’il reste à faire : une bonne connaissance du dispositif associée à une bonne anticipation, et vous voilà parés pour transmettre l’entreprise familiale.

Rapprochez-vous de votre conseiller CCI ou CMA pour être accompagné dans les meilleures conditions.

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*Selon l’étude KPMG x METI, dans presque 70 % des cas, la transmission familiale a été l’unique solution envisagée pour reprendre l’entreprise.